Les coûts du nucléaire
Le nucléaire est l’un des secteurs concernés par le plan d’investissement d’avenir présenté par Emmanuel Macron. Cette énergie qui fournit la majorité de l’électricité produite en France coûte de plus en plus cher, mais présente un bilan carbone avantageux.
L’actu
Emmanuel Macron a présenté la semaine dernière le plan « France 2030 » qui consiste à investir 30 milliards d’euros en cinq ans, essentiellement dans l’industrie. L’une des priorités est de développer des petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR), qui représentent un coût d’investissement moindre par rapport aux grandes centrales nucléaires.
Les SMR ont une puissance comprise entre 50 et 500 mégawatts électriques (MWe) contre 900 à 1 450 MWe pour les réacteurs français actuellement en service, explique sur son site le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), un organisme public. Les différentes parties de ces réacteurs sont conçues pour être fabriquées en série en usine, puis assemblées sur les sites de production d’électricité.
Fin 2020, 442 réacteurs nucléaires étaient opérationnels dans le monde, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, une agence de l’ONU. Ils ont fourni près de 10,2 % de l’électricité produite dans le monde en 2020. La même année, les 56 réacteurs en activité en France ont fourni 67,1 % de l’électricité produite dans le pays, selon RTE, le gestionnaire du transport d’électricité haute tension.
Clin d’œil

L’éclairage
Le coût du MWh
Le coût du nucléaire varie selon les critères retenus. En France, le coût « cash » de l’énergie nucléaire était par exemple estimé en 2017 à 33 euros le mégawattheure (MWh) par la Société française d’énergie nucléaire (Sfen), une association scientifique soutenant cette industrie. Le coût « cash » inclut les dépenses de combustible, d’exploitation et de maintenance, les coûts liés à la gestion des déchets et au futur démantèlement des centrales ainsi que le coût des investissements actuels et futurs. Il exclut celui des investissements passés [PDF], contrairement au coût courant économique (CCE) qui l’inclut. La Cour des comptes, chargée du contrôle de la dépense publique, avait estimé en 2014 le CCE du MWh à 59,80 euros. Les retards et les surcoûts du réacteur EPR (de nouvelle génération) en construction à Flamanville (Manche) donnent lieu à un CCE prévu en 2020 par la Cour des comptes entre 110 et 120 euros du MWh pour ce projet.
Un coût qui progresse
En France, le coût de l’électricité nucléaire progresse en raison de la hausse des coûts liés à la gestion des déchets, aux futurs démantèlements et aux investissements de maintenance. L’entreprise EDF, qui exploite l’intégralité des réacteurs nucléaires en France, doit investir jusqu’en 2033 de fortes sommes pour prolonger leur durée de vie, initialement prévue pour 40 ans, et améliorer leur sûreté. Parallèlement, le coût de l’électricité issue des énergies renouvelables baisse. En 2018, le coût de production d’un MWh allait de 50 à 71 euros pour l’éolien terrestre et de 45 à 81 euros pour les centrales photovoltaïques au sol, selon une étude de l’Ademe [PDF], un établissement public. Ce coût n’est pas tout à fait comparable à celui du MWh nucléaire calculé par la Cour des comptes, car contrairement au CCE, il n’intègre pas le coût du démantèlement futur des installations. Les fourchettes sont larges, car elles dépendent de la localisation des équipements et de leur qualité.
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Dans une étude publiée en 2019, la Cour des comptes estimait que les investissements sur les principaux sites de stockage des déchets nucléaires s’élèveraient au total « à près de 1,4 milliard d’euros entre 2018 et 2030 » puis augmenteraient « de près d’un milliard et demi d’euros supplémentaires entre 2030 et 2050 ». Ces investissements avaient représenté 255 millions d’euros entre 2014 et 2017. Le nucléaire engendre la production de déchets radioactifs, qui doivent être stockés sous terre ou en surface.
La question des gaz à effet de serre
Pour produire de l’électricité, un réacteur nucléaire n’émet pas de gaz à effet de serre. Cependant, la construction et le démantèlement des centrales sont émetteurs de gaz à effet de serre, au même titre que l’extraction et le transport des matières premières. En tenant compte de l’ensemble du cycle de vie, le nucléaire a une émission médiane (une moitié des émissions sont supérieures, l’autre moitié sont inférieures) de 12 g d’équivalent CO2 par kWh, un niveau nettement inférieur à celle des centrales au gaz (490 g) et à celle des centrales à charbon (820 g), selon une étude publiée en 2018 [PDF] par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) mis en place par l’ONU. Il émet même moins de gaz à effet de serre que le photovoltaïque (48 g) et à peine plus que l’éolien terrestre (11 g).
Le combustible nucléaire
Le combustible qui alimente les réacteurs nucléaires est fabriqué à partir d’uranium naturel. Pour le marché français, ce minerai est importé par l’entreprise française Orano (ex-Areva), qui exploite des gisements au Canada, au Kazakhstan et au Niger. Elle doit ensuite le transformer en un combustible nucléaire. Les importations d’uranium naturel coûtent chaque année entre 500 millions et 1 milliard d’euros, selon la Sfen. Le combustible nucléaire représente 15 % du coût « cash » de l’énergie nucléaire, dont un tiers est lié au coût de l’uranium naturel, selon Orano.
Le coût du démantèlement
En France, plusieurs installations nucléaires ont été arrêtées : des réacteurs d’EDF, des sites de fabrication de combustible d’Orano et des unités de recherche du CEA. Dans une étude publiée en 2020, la Cour des comptes constatait qu’entre 2013 et 2018, les devis correspondant aux démantèlements en cours avaient fortement augmenté. En 2020, la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin) est la première à avoir été fermée dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mise en place par les pouvoirs publics pour guider la transition énergétique en France. La PPE prévoit de réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % de la production d’électricité du pays d’ici 2035.
Pour aller plus loin
COÛTS DÉTAILLÉS
Dans un article publié en 2018 dans la revue pédagogique Reflets de la physique, l’ingénieure Anne-Sophie Dessillons présente les coûts de production de l’électricité nucléaire selon la méthode CCE. Elle prend en compte l’impact de l’allongement de la durée de vie des centrales ainsi que le coût d’un éventuel accident.
STOP OU ENCORE
Dans un article présentant les méthodes de travail du Giec, Libération explique que ce comité d’experts ne préconise pas d’accroître la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial. Il ne formule pas de recommandations, mais étudie 90 scénarios permettant de contenir le réchauffement climatique. La plupart prévoient une hausse de la part du nucléaire, certains une baisse.