L’attractivité de la fonction publique

En France, la fonction publique rencontre des difficultés de recrutement dans de nombreux métiers. Si l’attractivité de l’administration fluctue selon les cycles économiques, elle baisse de manière tendancielle depuis le milieu des années 1990.

L’actu

Emmanuel Macron a annoncé le 31 mai l’ouverture d’une « mission flash », soit une mission d’information courte, sur la situation des services d’urgence en France. À l’heure actuelle, 45 services d’urgence sont partiellement ou totalement fermés en raison d’un manque de personnel, selon le collectif Inter-Hôpitaux, qui vise à défendre l’hôpital public. L’objectif de la mission est de proposer d’ici un mois des « réponses concrètes dès cet été pour chaque territoire ».

Au-delà des urgences, la fonction publique dans son ensemble rencontre des difficultés de recrutement. Elles sont marquées dans certains métiers, comme celui d’enseignant. Pour faire face au manque de candidats, l’académie de Versailles, la plus importante de France, a par exemple organisé la semaine dernière une session de recrutement de contractuels. Elle cherche à pourvoir ainsi 1 300 postes.

Dans la fonction publique territoriale, 39 % des employeurs affirmaient éprouver des difficultés à attirer des candidats en 2021, soit 9 points de plus qu’en 2015, selon une étude de l’Inspection générale de l’administration publiée en janvier. Les recrutements sont les plus difficiles dans les communes de moins de 500 habitants et dans les grandes agglomérations.

Clin d’œil

L’éclairage

Fonction publique et recrutement

En France, la fonction publique est composée de trois grandes entités appelées « versants » : d’État, hospitalière et territoriale. La première regroupe les ministères et des établissements comme Pôle emploi et les universités. La deuxième rassemble les hôpitaux publics, les établissements d’hébergement pour les personnes âgées et les structures dédiées à l’aide sociale (enfance, personnes handicapées, etc.). La troisième regroupe les collectivités territoriales telles que les régions, les départements et les communes. En 2020, 67 % des agents publics avaient le statut de fonctionnaire, selon les données de l’institut national de statistiques Insee. 21 % des agents sont des contractuels, recrutés en CDD ou en CDI sous un contrat de droit public, c’est-à-dire non soumis au Code du travail et défini librement par l’employeur. Les autres sont militaires, ouvriers d’État, etc. La plupart des fonctionnaires sont recrutés sur concours.

La notion d’attractivité

Le statut de fonctionnaire présente plusieurs spécificités : une garantie d’emploi à vie, une progression de carrière assurée, mais aussi une mobilité contrainte pour les raisons du service. Pour évaluer l’attractivité de la fonction publique, les chercheurs recourent à un indicateur appelé taux de sélectivité, qui rapporte le nombre de candidats présents à un concours au nombre d’admis. Dans un dossier publié en 2020, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) expliquait que le taux de sélectivité baisse de manière tendancielle depuis le milieu des années 1990. Dans la fonction publique d’État par exemple, il est passé de 16 candidats présents aux concours pour un admis en 1997 à six présents pour un admis en 2018. L’attractivité est aussi évaluée à travers d’autres indicateurs comme la satisfaction au travail. Les agents publics, « plus souvent que les salariés du privé, éprouvent du plaisir, de la fierté et ont le sentiment d’être utiles dans leur travail », précisait la même étude.

120
candidats pour un admis

Le taux de sélectivité est très variable selon les concours. En 2018, il a dépassé les 120 candidats pour un admis pour le concours de directeur des services de la police judiciaire, selon les données de la DGAFP [PDF]. À l’inverse, il s’élevait à trois candidats pour un admis pour le concours de professeur des écoles.

Liens avec le chômage et le salaire

Plusieurs études ont démontré que le taux de sélectivité augmente significativement lorsque le taux de chômage s’accroît. En période de crise, la fonction publique apparaît « comme un débouché possible pour les jeunes face aux tensions qui existent dans le secteur privé », notait l’Insee dans une étude [PDF] publiée en 2015. Mais d’autres facteurs influencent le taux de sélectivité, comme la rémunération. Selon l’Insee, le différentiel de salaire entre le public et le privé est « un déterminant de l’attractivité » des concours, surtout pour les plus diplômés. Alors qu’à qualifications équivalentes, le secteur public proposait aux jeunes des salaires supérieurs à ceux du privé dans les années 1980, ce différentiel s’est réduit à partir des années 1990. Il s’est même inversé à partir de 2010 pour les enseignants et à partir de 2011 pour la catégorie B (correspondant aux bac à bac +2), selon les données de la DGAFP. En 2019, le salaire net moyen de l’ensemble des agents de la fonction publique était inférieur d’environ 100 euros à celui des salariés du privé.

Précarisation des recrutements

La fonction publique recrute de plus en plus souvent des contractuels (non-fonctionnaires) qui peuvent exercer sous un contrat à durée déterminée. Dans son étude publiée en 2020, la DGAFP expliquait qu’entre 1990 et 2015, la part des jeunes entrant dans la fonction publique d’État avec le statut de fonctionnaire est passée de 24 % à 10 %. « Dans le secteur public, comme dans le privé, le contrat à durée déterminée constitue ainsi la norme d’embauche sur le marché du travail », écrivait-elle. Les jeunes entrants demeurent aussi « de plus en plus longtemps » dans ce « sas d’emplois temporaires » qui fonctionne « comme une file d’attente sans aucune garantie d’accès au statut ». Cette précarisation du recrutement contribue à la baisse de l’attractivité de la fonction publique, « notamment pour les jeunes des catégories populaires qui venaient y chercher un emploi stable et la possibilité d’une carrière », analysait la DGAFP.

Pour aller plus loin

EMPLOI PUBLIC

Dans un article publié en mars sur son site Fipeco, l’économiste François Ecalle présente la répartition de l’emploi public en France, montre son évolution depuis les années 1990 et effectue des comparaisons internationales.

CRITÈRES DE RECRUTEMENT

Dans un article publié en 2018 sur le site The Conversation, un média publiant des articles d’universitaires, le docteur en droit Guillaume Bagard analyse le recrutement de la fonction publique. Il explique que si les fonctionnaires sont de plus en plus diplômés, aucun critère objectif n’est défini quant aux recrutements des contractuels.