La lutte contre l’inflation
La banque centrale américaine a de nouveau augmenté fortement ses taux directeurs afin de freiner l’inflation. La hausse des taux directeurs est le principal outil de lutte contre l’augmentation des prix, mais il n’est pas le seul.
L’actu
La Réserve fédérale (Fed), la banque centrale des États-Unis, a annoncé mercredi dernier qu’elle relevait ses taux directeurs de 0,75 point afin d’atteindre « une inflation de 2 % à long terme ». Son taux principal se situe désormais à 3,25 %. « Personne ne sait si ce processus conduira à une récession et, si c’est le cas, quelle sera l’importance de cette récession », a expliqué Jerome Powell, le président de la Fed, tout en affirmant que l’urgence était « de mettre l’inflation derrière nous ».
Le lendemain, de nombreuses autres banques centrales ont à leur tour augmenté leurs taux directeurs, comme celles du Royaume-Uni (taux principal à 2,25 %), de la Norvège (2,25 %) ou encore de la Suisse (0,5 %), toujours pour lutter contre l’inflation. La Banque centrale européenne (BCE) a augmenté ses taux le 8 septembre (taux principal à 1,25 %) et a prévenu qu’elle prévoyait de continuer à les augmenter.
Les pays occidentaux sont confrontés à une forte hausse des prix. Le taux d’inflation des 12 mois écoulés a par exemple atteint en août 8,3 % aux États-Unis, 9,1 % en zone euro ou encore 9,9 % au Royaume-Uni, selon les instituts de statistiques officiels. Ces niveaux n’avaient pas été observés depuis le début des années 1980.
Clin d’œil

L’éclairage
Le rôle des banques centrales
Le contrôle de l’inflation est la mission principale des banques centrales. Pour la réguler, elles disposent de différents outils tels que la fixation des taux directeurs. Le principal est le taux de refinancement. Il s’agit du taux d’intérêt auquel une banque centrale prête de l’argent aux banques commerciales. En l’augmentant, la banque centrale incite les banques commerciales à augmenter à leur tour les taux d’intérêt des prêts qu’elles accordent aux ménages et aux entreprises. Les prêts devenant plus chers, ils sont moins sollicités. Les ménages et les entreprises réduisent donc leurs dépenses de consommation et d’investissement, ce qui a pour effet de ralentir l’activité. La demande reculant, les prix augmentent moins vite et l’inflation baisse. La hausse des taux d’intérêt encourage aussi l’épargne, puisqu’elle est mieux rémunérée, ce qui a pour effet de réduire la consommation.
Les risques de cette politique
Ayant pour but de ralentir l’activité, la hausse des taux directeurs freine de fait la croissance, c’est-à-dire la hausse du PIB (production de biens et services), ce qui a pour conséquence d’accroître le chômage. Si une banque centrale augmente ses taux trop fortement, elle peut même provoquer une récession, définie comme un recul du PIB pendant au moins deux trimestres consécutifs. Mais si le rythme d’augmentation est trop lent, la banque centrale peut échouer à réduire l’inflation. Le risque est que les ménages et les entreprises supposent que le taux d’inflation va se maintenir à un niveau élevé, expliquait la professeure de macroéconomie Sarah Lein dans un article publié en avril en Suisse. Dans ce cas, les travailleurs vont continuer de demander des augmentations et les entreprises vont gonfler leurs prix d’autant plus qu’elles s’attendent aussi à de nouvelles hausses de prix de la part de leurs fournisseurs. « L’anticipation d’une inflation plus élevée contribue donc à la réalisation du phénomène prévu », écrivait Sarah Lein.
1,25 %
Dans la zone euro, le taux de refinancement est fixé depuis le 14 septembre à 1,25 %, en application d’une décision prise par la BCE le 8 septembre. Pour que l’inflation revienne autour de 2 % en 2024, comme le prévoit la BCE, il faudrait que le taux de refinancement soit alors supérieur à 4,5 %, estimait l’économiste Patrick Artus dans un article publié le 10 septembre dans La Tribune.
La spécificité de l’inflation européenne
L’inflation peut être due à une hausse de la demande – si l’offre ne suffit pas à y répondre, les prix augmentent. C’est le cas aux États-Unis, où la forte augmentation des salaires depuis 2020 alimente la consommation. Dans la zone euro en revanche, l’inflation est surtout liée à la hausse des prix des biens achetés hors de l’UE tels que le pétrole, le gaz et les produits agricoles. L’inflation est de ce fait plus difficile à contrôler : une hausse des taux directeurs dans la zone euro n’aura pas d’effet sur les coûts d’importation de ces produits. Mais cette hausse contribuera à « maîtriser les anticipations d’inflation », estime la BCE sur son site. Cette stratégie a aussi pour conséquence de défendre la valeur de l’euro face aux autres devises. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, les investisseurs ont intérêt à acheter des obligations dans la zone euro : l’euro est davantage demandé, ce qui soutient sa valeur. Si l’euro s’apprécie, les biens importés deviennent moins chers, ce qui contribue aussi à faire reculer l’inflation.
Le rôle des gouvernements
Les gouvernements peuvent aussi lutter contre l’inflation. Ils ont par exemple la possibilité de bloquer les prix de certains biens et services ou d’en limiter la hausse. Le gouvernement français a contenu ceux de l’électricité et du gaz avec le « bouclier tarifaire ». Sans ce dispositif, « l’inflation entre les deuxièmes trimestres de 2021 et 2022 aurait été 3,1 points plus élevée », affirmait l’institut national de statistiques Insee dans une étude publiée début septembre. Pour réguler l’inflation, les gouvernements peuvent aussi, à travers leur politique budgétaire, freiner la demande, par exemple en augmentant les impôts ou en réduisant leurs dépenses d’investissement. Or, la plupart des pays ont augmenté ces dépenses à travers les plans de relance qu’ils ont mis en œuvre après la crise liée au Covid-19. Pour que l’inflation baisse, « la politique budgétaire doit également se durcir », affirmait l’économiste John Cochrane dans un article publié en février dans le Wall Street Journal.
Pour aller plus loin
DIFFÉRENTS TAUX
Dans un article pédagogique, le site de vulgarisation économique La Finance pour tous présente les différents types de taux d’intérêt (nominal, réel, fixe, variable, etc.). Un paragraphe détaille les trois taux directeurs qui sont fixés par les banques centrales.
VALEUR DE LA MONNAIE
Comment est déterminée la valeur d’une monnaie ? Dans un dossier publié en mai, Brief.eco fait le point sur cette question et précise les conséquences d’une dépréciation de la monnaie, en particulier sur l’inflation.