La durée d’indemnisation du chômage
Le gouvernement a présenté la semaine dernière une nouvelle réforme de l’assurance chômage qui prévoit de moduler la durée pendant laquelle les demandeurs d’emploi sont indemnisés en fonction du taux de chômage. Ce système existe déjà au Canada.
L’actu
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a présenté la semaine dernière les modalités de la réforme de l’assurance chômage adoptée mi-novembre par le Parlement. Ce texte ouvre la possibilité pour le gouvernement de moduler les règles d’indemnisation selon la situation du marché du travail.
Le nouveau régime prévoit de réduire de 25 % la durée d’indemnisation par rapport à la durée actuelle pour les personnes dont le contrat de travail se termine à partir du 1er février. Cette durée d’indemnisation varie pour l’heure de six mois à 24 mois pour la plupart des salariés. Avec la réforme, elle sera réduite d’un quart, sans pouvoir être inférieure à six mois. Le maximum sera donc de 18 mois. Si le taux de chômage augmente de 0,8 point sur un trimestre ou s’il dépasse les 9 %, la durée actuelle d’indemnisation sera rétablie. Au troisième trimestre, le taux de chômage était de 7,3 %, selon l’institut national de statistiques Insee.
Avec cette réforme, l’exécutif explique poursuivre deux objectifs : atteindre le plein emploi d’ici 2027, soit un taux de chômage inférieur à 5 %, et réduire le nombre d’emplois non pourvus. Au deuxième trimestre, en France, le taux d’emplois vacants était de 2,4 %, selon les données de l’institut européen de statistiques Eurostat. Ce taux évalue la part, parmi l’ensemble des emplois, des postes libres, nouvellement créés ou inoccupés, ou encore occupés et sur le point de se libérer, pour lesquels des démarches actives sont entreprises pour trouver le candidat convenable. Ce taux a été multiplié par quatre en 10 ans.
Clin d’œil

L’éclairage
Fonctionnement de l’assurance chômage
L’assurance chômage verse un revenu de remplacement aux personnes involontairement privées d’emploi afin de soutenir leur pouvoir d’achat et de favoriser leur retour à l’emploi, explique sur son site l’Unédic, chargée de la gestion de ce régime. En France, elle est financée par des cotisations sociales, prélevées sur les salaires. Depuis 2019, seuls les employeurs cotisent à l’assurance chômage. Le financement du régime est complété par l’État. L’assurance chômage repose sur une logique de mutualisation (les risques de tous les secteurs sont mis en commun) et de redistribution (elle compense mieux la perte d’un bas salaire que d’un haut revenu). La réforme prévoit de modifier la durée pendant laquelle les demandeurs d’emploi sont indemnisés. Elle ne change pas les autres paramètres de l’assurance chômage, déjà modifiés en 2019 par une précédente réforme. Ces paramètres sont les conditions d’accès à l’indemnisation (avoir travaillé au moins six mois sur une période de référence de 24 mois) et le montant de l’indemnisation. Il était en moyenne de 982 euros au deuxième trimestre 2022, selon l’Unédic.
La durée d’indemnisation
Aujourd’hui, la durée d’indemnisation repose sur le principe « un jour travaillé, un jour indemnisé » dans la limite de 24 mois (pour les salariés de moins de 53 ans). Ainsi, un demandeur d’emploi ayant travaillé les deux dernières années avant d’être au chômage sera indemnisé pendant 24 mois. En Europe, la durée d’indemnisation maximale est souvent inférieure. Elle est par exemple de neuf mois en Irlande, de 12 mois en Allemagne et de 18,5 mois en Suisse [PDF]. En réduisant la durée d’indemnisation en France, l’exécutif espère encourager un retour à l’emploi plus rapide, partant du principe que les demandeurs d’emploi accepteront plus rapidement un travail pour ne pas se retrouver sans ressource. Ils retrouvent en moyenne un poste en 10 mois, selon Pôle emploi, mais les disparités sont importantes : en 2021, près de 30 % des chômeurs étaient au chômage depuis au moins 12 mois, selon l’Insee. Parmi les pays ayant des durées d’indemnisation plus courtes, certains connaissent aussi des difficultés pour embaucher. C’est le cas de la Suisse, du Luxembourg et de l’Allemagne, où les taux d’emplois vacants au deuxième trimestre étaient respectivement de 2,3 %, 2,7 % et 4,5 %, selon Eurostat.
2,3
Parmi les 6,1 millions de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi à la fin du deuxième trimestre, 2,3 millions étaient indemnisés, soit moins de 40 %, selon les dernières données de l’Unédic. Les autres avaient épuisé leurs droits à l’assurance chômage ou n’avaient pas rempli les conditions pour ouvrir ces droits.
Durées d’indemnisation et de chômage
Plusieurs études, comme celles menées à partir de 1970 par l’économiste américain Dale Mortensen, ont démontré qu’une hausse de la durée d’indemnisation se traduit par une augmentation du temps passé au chômage. Étant indemnisé, le demandeur d’emploi diminue ses efforts pour trouver du travail ou se montre plus exigeant dans ses recherches. Dans une étude publiée en 1999 portant sur les États-Unis, les économistes turco-américain Daron Acemoglu et américain Robert Shimer ne contestaient pas ce résultat, mais ils constataient qu’une hausse de la durée d’indemnisation permettait aux demandeurs d’emploi de trouver des postes mieux rémunérés. « Parce que la composition des postes évolue, la production totale et la richesse augmentent également », écrivaient-ils.
L’exemple canadien
La réforme française s’inspire du système canadien, où les paramètres de l’assurance chômage varient en fonction de la conjoncture économique. La durée d’indemnisation dépend de la durée de travail antérieure ainsi que du taux de chômage dans la région où les prestations sont demandées. Par exemple, si une personne a travaillé 720 heures au cours de l’année écoulée, elle sera indemnisée pendant 16 semaines si elle réside dans une province où le taux de chômage est de 6 % et pendant 30 semaines si ce taux de chômage dépasse les 13 %. Dans une étude publiée en 2015, l’Institut de recherche en politiques publiques, un organisme canadien indépendant, jugeait ce système « discriminatoire » dans la mesure où « toute personne qui perd involontairement son emploi voit ses finances personnelles ou familiales devenir précaires, quel que soit le taux de chômage de la région où elle habite ». En octobre 2022, le taux de chômage était de 5,2 % au Canada, selon StatCan, l’agence statistique du pays.
Pour aller plus loin
NOUVELLE RÉFORME
Dans un podcast de 8 minutes publié mi-octobre sur France Culture, l’économiste Christine Erhel commente les objectifs de la réforme de l’assurance chômage. Elle explique que ces nouvelles règles vont permettre de diminuer le coût de ce système, mais que ses effets sur les comportements des demandeurs d’emploi sont difficiles à évaluer.
PLEIN EMPLOI
En quoi consiste le plein emploi ? En 2020, Brief.eco avait réalisé un dossier sur cette question. Nous expliquions les moyens d’atteindre le plein emploi tout en rappelant pourquoi un taux de chômage inférieur à 5 % ne garantit pas un marché du travail optimal.